Cambrioleur(se) ou client(e) [PV Max C.]

La nuit tombait et les boutiques du centre commercial fermaient l’une après l’autre, la « nocturne » organisée par le responsable du shopping center avait été un succès pour la presque totalité des propriétaires, mais pas pour la jeune femme, qui assise dans sa boutique derrière un bureau Louis XV,
tentait desesperemment d’équilibrer un bilan qui ne tenait plus la route.
Sa petite main courait rapidement sur la calculatrice avec laquelle elle tenait ses comptes, elle avait refait plusieurs fois les opérations et était sure de n’avoir pas commis la moindre erreur, mais bon, comme tous les gens désespérés, elle éprouvait le besoin de vérifier une fois encore que ce qu’elle voyait était bien réel.
Et ça l’était, la hausse des taux d’intérêt que l’organisme de crédit auquel elle s’était adressée venait de lui faire parvenir signifiait qu’en fin de mois, le solde demeurant sur son compte s’élèverait précisément à - 16 875 dollars et 98 cents.
Ca tombait mal, très mal en fait puisque cette hausse des taux d’intérêt arrivait juste après une commande qu’elle venait de passer auprès d’un fournisseur d’antiquités Amérindiennes et que depuis une semaine qu’elle avait ouvert sa boutique, elle n’avait vu aucun acheteur réellement sérieux en franchir le seuil.
Elle savait que l’étape suivante, ce serait la saisie … et pour elle la rue.
Elle porta le crayon avec lequel elle avait recouvert le papier posé devant elle de chiffres à sa bouche et en rongea nerveusement l’extrémité à la recherche d’une solution qui se refusait à elle …

Elle sursauta nerveusement comme le tintement de a clochette qu’elle avait accrochée au dessus de la porte d’entrée lui signifiait l’entrée d’un possible client …

Stacy lui avait laissé le temps de faire le tour de sa galerie. En temps ordinaire, elle se serait levée pour aller s’occuper de lui, mais là, ce soir, l’annonce de sa ruine imminente ne lui donnait guère envie de s’occuper d’un client tardif.
Réalisant qu’il serait quand même peut être son seul acheteur aujourd’hui, elle se leva et s’approcha des statuettes qu’il lui désignait … et choisit de le complimenter dans son choix, ce qui à ce qu’on lui avait dit était le meilleur moyen de gagner une vente :

« Un choix superbe, 1 600 dollars, la paire. Car elles ne sont vendues que sous forme de lot, par couple en fait. Il s’agit de représentations humaines du sanglier, utilisées par l’ethnie Miao pour la garde des temples. Elles sont faites de bronze repoussé et ont vraisemblablement été fabriquées par un artisan … au début de la Dynastie Ming …

Comme vous pouvez le constater, les longues défenses, les yeux exorbités, les sourcils froncés et le nez épais leur confèrent un caractère effrayant et au dos de la représentation féminine, sur cette statue-ci, on trouve une cavité dans laquelle était insérée le texte d'une prière … »

Elle se pencha pour se saisir d’une des statuettes et la présenter à son client …
Elle n’était pas franchement emballée par le fait qu’il n’ait pas répondu au sourire par lequel elle l’avait accueilli. Pas emballée non plus qu’il n’ait pas jugé utile de lui dire au moins bonsoir avant de l’interroger sur les statuettes.
Faire un petit effort, se débarrasser du gêneur, fermer le magasin et peut être, ce soir pour la première fois depuis un bon bout de temps … sortir en boite ou en restaurant, voila ce qu’elle allait faire.

Mais, pour l’instant, elle continua pourtant d’essayer de concrétiser sa vente :

« De superbes représentations, empreintes d’une grand valeur symbolique, elles trouveront leur place partout, que ce soit dans la vitrine d’un meuble de présentation ou bien sur un bureau … C’est pour vous, ou bien pour offrir ???»

Levant les yeux, sur l’inconnu, elle lui adressa un sourire, plutôt satisfaite d'elle même et de la manière dont elle lui avait vendu l'article ... trouvant que pour une ancienne bikeuse, elle s'en sortait plutôt bien.

« Ah, si c’est pour un anniversaire, je sais ce qu’il vous faut … »

Lachant ou plutôt reposant avec soin les deux statuettes Miao, que le « radin » refusait de lui acheter, Stacy sortit d’un présentoir une statuette mi homme mi élephant en ivoire que l’artiste avait representé doté d’un corps obèse et de multiple bras et qui siégeait assis dans la position du lotus sur une sorte de trône.

« C’est un Ganesh, la divinité la plus populaire d'Inde. Tout les Hindous en possèdent une chez eux et l'invoquent avant effectuer une action importante.
Il porte chance et représente savoir et vertu ... Deux qualités considérées comme masculines et qu’on retrouve dans tous les pères n’est ce pas ? »

Elle lui adressa un sourire qui était pour l'instant encore purement professionnel et destiné non seulement à masquer une bonne dose d’ironie (car son propre père à elle n’avait pas non plus fait preuve de grandes qualités lors de la jeunesse de Stacy) mais aussi à s’attirer les bonnes graces de cet acheteur qui avait quand même l’air d’avoir des moyens.
Ayant vu qu'il avait remarqué son petit numéro de charme, elle décida de lui porter l'estocade finale en ajoutant l’air de rien :

« … et en plus, il n’est qu’à 900 dollars … »

Elle s'abstint pourtant de lui dire qu'à ce prix la, bien sur, on était dans l'antiquté bas de gamme. C'était le genre de machin qui prendrait de la valeur dans quelques dizaines d'années, mais après tout, c'était peut être suffisant pour être offert comme cadeau au papa d'un certain Max Cooper ???

Elle le trouvait franchement original, celui là, pas banal en tout cas.

Il en avait l’air d’être au point de lui demander si elle n’allait pas l’engueuler parce qu’il était en train de lui piller … euh pardon, de lui acheter son stock de marchandises. Elle lui confirma d’un signe de tête et d’un nouveau sourire que non, ça ne la dérangerait pas du tout, mais ne trouva rien à ajouter.

Pas vraiment qu’il la mette mal à l’aise non, juste qu’elle ne savait plus trop comment se comporter avec lui ni quoi lui répondre.

Alors elle se saisit simplement des marchandises qu’elle ramena à la caisse et commença à emballer tout en préparant deux paquets distincts, ce faisant elle put lui lancer un ou deux regards à la dérobée et se faire une idée du « spécimen » qui avait atterri dans sa boutique.

Le verdict tomba immédiatement, aussi tranchant comme un couperet et pourtant elle n’aurait pas su dire pourquoi elle en arrivait à cette conclusion : « Pas du tout son genre, celui-la !!! »Pourtant, elle ne pouvait pas dire qu’il était laid ou qu’il lui déplaisait, non c’était juste que … qu’il n’avait rien de l’homme viril et sur de lui qu’elle attendait de la vie. Enfin, l’homme qu’elle attendait peut être ou peut être pas, de ce côté-là, et en ce qui la concernait, les choses n’était pas toujours bien claires.

Mais comme il était quand même assez mignon, et qu’il avait l’air propre sur lui, elle se dit qu’elle ne perdrait rien à essayer de mieux le connaître. Et puis un client comme ça, ce pouvait être une bonne idée d’essayer de le fidéliser, en tout bien tout honneur bien sur, à moins que …

Elle chassa l’idée qui venait de naître dans sa tête de le mettre dans son lit ce soir et de l’essayer. D’abord parce que ça lui semblait manquer de professionnalisme et aussi parce que … parce que … elle ne savait pas trop en fait.

Comme ça faisait plusieurs mois qu’elle dormait seul, et que celui là avait l’air du genre à être gentil, ça la changerait peut être des « erreurs humaines » avec qui elle avait pu sortir auparavant.

Elle finit les paquets cadeaux et tendit la main pour prendre la carte Platine American Express qu’il venait de sortir de sa poche.
Et lorsqu'elle la la lui rendit, elle était toujours aussi incertaine sur la manière dont souhaitait que se termine cette soirée mais se mordit la lèvre supérieure prenant un air timide avant de lui demander :

« Je vais fermer, ça vous ennuierait de m’attendre ? Presque tous les autres magasins sont fermées et cette galerie me fait peur le soir … »

(13sep. Archivage demandé, merci).