Viens chercher le nécessaire (pv laureen)

La tête plongée dans son cahier des charges, Laureen était appuyée sur les coudes contre le comptoir. Elle tapotait la mine de son crayon contre sa lèvre en calculant mentalement quelques chiffres, puis elle se mit à griffonner les quelques résultats rapidement. Lorsque le carillon de l’entrée retentit, elle leva à peine la tête et lança un charmant : bonjour monsieur, comme elle le faisait toujours en bonne commerçante.

Vêtue d’un jeans et d’un petit haut fleuris rouge et gris, Laureen avait les cheveux relevés et attachés par deux pinces. Cela lui dégageait la nuque. Elle portait un joli collier opéra de perle en bois et aux pieds, des tongs. Autour de la taille, elle avait nouée un petit carré de tissu servant de tablier et de celui-ci dépassait une paire de ciseau et un peu de ruban.

Avec un grand sourire, elle s’approcha de l’homme, le reconnaissant aussitôt. Cultivée et lisant beaucoup les journaux, la jeune femme n’était pas sans savoir qu’elle avait en face d’elle le maire de Los Angeles, et surtout, le Gouverneur de Californie. Heureusement, Laureen n’était pas du style à se pâmer devant un titre auquel le tout un chacun pouvait prétendre un jour. A quelques pas de lui, elle demanda :

_ Je peux vous renseigner monsieur le maire ? Vous aidez à faire un choix ?

Elle montra d’un geste la rangée de fleurs disposées un peu partout à travers la boutique. Celle-ci s’étendait sur plusieurs salles et il y régnait un calme serein. Dans le fond, quelques oiseaux en cage chantonnaient et rendait presque paradisiaque les lieux. Laureen ajouta :

_ Que recherchez-vous exactement ?

Laureen rit en entendant le Maire parler. Elle pencha la tête sur le côté et perça le regard du Maire de ses grands yeux marron. Elle avait bien entendu compris le sous-entendu, mais elle préféra ne pas le relever. Elle se disait qu’Adam devait faire son numéro de politicien charmant à toutes les commerçantes qu’il croisait, histoire de glaner ici et là quelques voix supplémentaires lors des élections. Elle sourit, de toute façon, qu’il le fasse ou non, elle aurait voté pour lui.

Avec une voix tintée d’amusement, elle dit :

_ Eh bien, vous avez bien fait de venir, monsieur le Maire. Dans un cas comme dans l’autre, vous avez trouver ce que vous cherchiez. Les fleurs sont là, et je suis ici pour vous servir.

Elle rit, puis reprit un semblant de sérieux. Elle déposa les mains sur ses hanches, faisant face à l’homme. Elle le regardait sans ciller. Le fait qu’il soit un personnage public et un homme influent sur la ville ne la troublait pas du tout. Elle demanda :

_ Plus sérieusement, puis-je vous aider ? Vous cherchez des fleurs pour une occasion particulière ?

Laureen se raidit. Sentir les mains du maire sur son corps la dérangeait. Cependant, afin de ne pas créer de polémique ou de blesser l’amour propre de l’homme en face d’elle, elle s’efforça de réagir sereinement. D’habitude, elle aurait flanqué une claque à un homme aussi cavalier et entreprenant, mais elle ne le fit pas. La boutique était déjà au bord de la faillite, alors, autant ne pas se foutre le maire à dos. Qui sait ce qu’il pourrait faire par vengeance ?

Même si Laureen vivait à Los Angeles où le vice était répandu, elle n’était pas comme toutes ces salopes à la culotte facilement enlevable par le premier venu. Laureen avait sa fierté et son indépendance, et elle comptait bien rester maître de son propre corps. Doucement, elle prit les puissantes mains du maire dans les siennes et en souriant aimablement, elle les retira de ses hanches pour les laisser en suspend dans le vide. Elle dit :

_ Monsieur le maire, c’est une fleuristerie ici, pas un bordel. Ce n’est pas moi qu’il faut désirer mais elle.

Laureen indiqua d’un mouvement de tête l’étalage de fleurs toutes plus belles les unes que les autres. Elle continua à sourire, et elle pencha la tête sur le côté, le bras croisés. Elle dit d’un ton très professionnel :

_ Si vous cherchez une belle plante, il y a l’embarra du choix, ici. Tout dépend combien vous désirez mettre et l’usage que vous comptez en faire. Certaines plantes grossissent tellement qu’elles deviennent à la longue encombrantes. Mais j’imagine que c’est pour votre villa et que dans celle-ci il y a pas mal de place non ?

Laureen resta silencieuse un moment, regardant les fleurs histoire de donner au change. Elle feignait ne pas être troublée ou choquée par ce qu’elle entendait là. Alors comme ça, le maire de Los Angeles s’intéressait à elle ? Le Gouverneur de Californie ? Il l’espionnait ? C’était une histoire de fou et elle avait beaucoup de mal à le croire. L’idée même qu’un type dans son genre puisse s’intéresser à une petite fleuriste comme elle, lui était absurde. Il y avait beaucoup d’autres femmes beaucoup plus plantureuse et bien plus séduisante qu’elle dans cette ville. Alors pourquoi elle ?

La jeune femme se gratta d’un air pensif le menton, puis elle dit en regardant Adam fixement :

_ Je suis flattée monsieur le maire, vraiment… mais. N’êtes vous pas sensé être marié et père d’une jolie petite tribu ? Franchement, ce serait vraiment dommage de foutre en l’air un tel bonheur pour une amourette passagère. Je ne vaux vraiment pas la peine que vous vous donnez vous savez.

Elle déambula à travers les fleurs, regardant ici et là. Elle continua de parler très calmement :

_ Je suis vraiment honorée monsieur le maire d’un tel intérêt mais soyez raisonnable. Vous savez très bien que ça ne peut qu’être néfaste pour votre image et votre famille.

Elle lui lança un nouveau regard et fini par demander :

_ Quel bouquet avez-vous choisi, comme ça ?

Lentement, Laureen se saisit du bouquet en question. Elle repartit vers le comptoir où elle entreprit de l’embellir de quelques beaux rubans blancs. Laureen réfléchissait à la bonne façon de répondre au maire. Elle n’était pas du style à enfoncer les gens ou à être catégorique. Après tout, aussi cavalier était-il, il n’était pas méchant, et puis, c’était flatter de se dire qu’un homme la désirait. Elle dit alors, en souriant :

_ Monsieur le maire, loin de moi l’idée de vouloir passer pour une femme que je ne suis pas, mais vous êtes un homme vraiment très séduisant et il faudrait être une sacrée idiote ou faire preuve de vraiment de mauvais goût pour ne pas le reconnaître. Oui vous êtes mon style, enfin disons que vous entrez facilement dans les critères de sélection d’homme que je recherche et qui me font regarder un tel homme plus qu’un autre. Mais après, peu importe mes goûts, je ne suis pas une briseuse de ménage, et je ne pense pas être le style : maîtresse.

Les yeux marron de Laureen voyageaient sur le visage d’Adam alors que ses mains, comme dans un automaniste, continuaient à nouer les rubans. Elle continua avec un petit air désolé qui pinça ses lèvres :

_ Je suis navrée d’apprendre que votre mariage n’est pas ce qu’il laisse paraître dans les médias. Je pensais sincèrement que tout allait bien dans le meilleur des mondes des Johnson. Avec peut-être un peu de dialogue et de compréhension, et une bonne dose d’eau dans son vin, il n’est peut-être pas trop tard pour madame Johnson et vous, non ?

Laureen resta immobile, étonnée par tant d’audace. Elle hésita entre lui planté sa paire de ciseaux entre les deux yeux ou à lui décrocher la tête d’une claque violente. Heureusement pour monsieur le maire, elle fut si désarçonnée qu’aucun membre de son corps n’exécuta ses ordres. Laureen ne savait pas quoi dire. Elle était restée là, simplement à se faire embrassé par le maire.

Etait-il vraiment sérieux ? Elle en était estomaquée. Laureen n’en revenait pas. Le maire lui proposait-il un plan cul ? Mais où est-ce que monsieur Johnson avait vu qu’il suffisait simplement de démarquer, de lui acheter des fleurs et de lui dire qu’elle lui plaisait pour que madame lui tombe dans les bras ? Ok, ça marchait peut-être ce genre de tactique avec les bimbos siliconées de Los Angeles, mais pas avec elle. Laureen était une fille bien, pas une de ces chaudasses facilement baisable qu’on trouvait à tous les coins de rues.

La jeune femme enleva de son visage une nouvelle fois les mains du maire. Oui, il était séduisant et oui, dans un autre contexte peut-être aurait-elle cédé à une folle passion, comme elle pouvait le faire parfois. Mais là, la situation ne s’y prêtait vraiment pas. D’une voix neutre, afin de ne pas contrarier le maire plus que de raison, elle lui dit :

_ Ne rien faire avec vous à cause de votre situation ? Monsieur le maire, je suis fleuriste, pas une vulgaire pute. Sans vouloir vous faire offense, ce n’est pas parce que vous êtes riche et puissant que vous pouvez penser venir ici, et me culbuter sur le comptoir. Ok, je vous plait et vous avez tenté votre chance, mais entre nous, c’est un flop cuisant là. Autant me demander carrément si j’ai envie de baiser avec vous et arrêter de tourner autour du pot. Et puis, si c'est pour rendre la monnaie de sa pièce à votre épouse, ce n'est même pas la peine d'y songer.

Laureen poussa le beau bouquet de fleur devant elle, signifiant par ce geste qu’il était prêt à être emporte. Elle ajouta :

_ Qu’est-ce qui vous à fait croire que j’allais accepter une partie de jambe en l’air au milieu de mes fleurs monsieur le maire ? Vous m’avez bien regardée ? Je n’ai quand même pas le profil type d’une Paris Hilton prête à faire valser sa culotte à la moindre occasion, non ?

Laureen rit nerveusement également avec le maire. Elle se trouvait idiote d’avoir de suite pensée au pire. Elle se passa une main à l’arrière du crâne et se le gratouilla d’une manière à souligner sa confusion. Le rouge lui monta aux joues rapidement. Si elle avait pu se cacher à cet instant, Laureen l’aurait fait. Elle se serait terrée si profondément qu’un gosse faisant des pâtés de sable en Chine l’aurait sans doute dénichée de sa cachette. Elle dit :

_ Je suis sincèrement désolée ! Quelle idiote je fais ! Non ! Bien sûr que non je ne vous prend pas pour un pervers… juste pour un… homme !

Elle se mit à rire aux éclats, n’arrivant pas à retrouver son sérieux. La situation était assez embarrassante… trop selon elle. Laureen tourna autour du comptoir, puis elle s’y appuya contre, à quelques dizaines de centimètres du maire. Elle continua, toujours aussi confuse :

_ Ecoutez, je ne suis qu’une imbécile… j’aie sans doute une bien piètre opinion des hommes de Los Angeles, ou du moins, des gens fortuné. Mais comprenez-moi s’il vous plait. Vous débarquez ici en prétendant me porter de l’intérêt et vous m’embrassez. Ça désarçonne, et forcément, moi je me braque. J’aurai beaucoup apprécier un brin de finesse et de délicatesse. Je ne sais pas moi, une invitation à boire un café en bonne et due forme… même si je ne pense pas que j’aurais accepté d’ambler.

Laureen lui accorda un large sourire et elle déposa les mains sur le bouquet de fleurs qu’elle tendit :

_ Pour me faire pardonner, ce n’est pas la peine de me les payer, elles sont cadeau.