Run baby run! [Laureen ]

Sur le coup, Laureen ne fit pas attention aux grognements de Tony. Elle ne remarqua donc pas qu’il souffrait à l’épaule. La jeune femme recherchait surtout des traces de balles ou des coups de couteaux, et non des blessures internes. En plus, l’entendre plaisanter de la sorte ça réconfortait Laureen dans l’idée qu’il allait bien. Elle se permit même une légère moue boudeuse, juste pour souligner quelque seconde quel idiot il était de lui sortir ça à un moment pareil.

Lorsque l’homme posa les doigts sur elle, Laureen eut des frissons dans tout le corps. Tony était tendre et attentionné. Après l’avoir vu si froid et brutal, c’était un contraste incroyable. Laureen se surprit à apprécier ses doigts sur sa chaire. Elle aurait voulu que le temps s’arrête afin de les savourer éternellement. Enfin un peu de douceur après tant de méchanceté. Elle se noyait dans l’océan de ses yeux azur. Maintenant que tout était fini, qu’il n’y avait plus de danger et que tout était redevenu normal, elle pouvait se laisser aller à un sourire.

A voix basse, elle lui dit, essayant de ne pas pleurer et d’être submergé par l’émotion :

_ Je vais bien. Y avait un type. Sur l’escalier. Il a tenté de me tuer… comme tu vois. Il est tombé dans le vide… et il est mort.

Elle se mordilla la lèvre, sentant les larmes lui venir aux yeux. C’était la première fois qu’elle tuait quelqu’un. Elle se sentait coupable et souillée jusqu’au plus profond de son âme. Elle se disait que jamais elle n’arriverait à se pardonner son acte, même si c’était pour défendre sa vie qu’elle avait fait cela.

_ Je n’ai pas fait exprès. Je voulais juste qu’il me lâche. Je ne voulais pas qu’il meure.

L’homme dans le taxi sortit la tête de sa portière et il la passa par-dessus le toit de la voiture. Il dit en lançant un regard étrange à Tony :

_ Ecoutez les tourtereaux, je ne sais pas ce qu’il vous est arrivé et je ne souhaite pas le savoir mais si vous voulez que je vous conduise à l’hôpital, c’est le moment où jamais.

Laureen regarda Tony. Elle renifla et essuya son nez d’un revers de bras sur la manche de la veste du mafieux. Elle se tourna vers le chauffeur pour lui dire qu’elle préfèrait qu’il les conduise chez elle, mais soudain elle se stoppa dans son mouvement. Elle resta figée sur place, une vague de terreur la submergeant comme un tsunami. Elle croisa à nouveau le regard de Tony et elle lui attrapa le bas de la chemise, paniquée. Elle dit :

_ Mes clés… Tony… mes clés ! Je ne les ai pas. Elles sont dans mon sac à main… dans l’immeuble. Oh mon Dien, ça y est, je vais crever ! Ils vont trouver mon sac et venir me buter ! Il y avait mon porte-monnaie avec ma carte d’identité, mon téléphone portable, mon adresse… mes cartes de crédits ! Ils vont buter mon chat et mes poissons !

La seule chose qui réconfortait un minimum Laureen qui se faisait sûrement des films, c’était que Luna, sa colocataire, était absente pour quelques jours. L’appartement était donc vide.

Malgré le réconfort que Tony tentait de lui apporter, le moral et la culpabilité de Laureen ne changèrent pas d’un Iota. La jeune femme était toujours aussi bouleversée. Elle ne pouvait se résoudre pour l’instant à se dire que ce n’était pas de sa faute. Elle essuya ses yeux, puis elle baissa la tête.

Angoissée à l’idée que des malfrats puissent connaître son identité, la jeune fleuriste eut la chaire de poule. Un frisson désagréable s’empara de son échine. Elle avait peur. Elle se sentait violée. Bientôt, ces mafieux russes viendraient chez elle afin de lui faire payer le simple crime d’avoir accepter un rancard avec Tony. Elle ne put encore une fois chasser le sentiment d’injustice qui lui remontait dans la gorge. Laureen avait envie de crier de colère, d’accuser Tony d’avoir gâcher sa vie mais elle ne le fit pas. Elle était trop fatiguée, et surtout, il n’y avait pas de temps à perdre.

Aussitôt que Tony lui ait proposé d’aller chercher son sac à nouveau, Laureen opina plusieurs fois de la tête rapidement. Elle sortit du fond de la poche de la veste de Tony l’arme que celui-ci lui avait donné. Hélas, elle remarqua bien vite qu’il eut du mal à prendre en main l’arme à feu et elle comprit qu’il souffrait à l’épaule. La jeune femme lui lança un regard renfrogné et elle s’éloigna de quelques pas, visiblement agacée. Elle s’écria :

_ Comment tu veux aller le récupérer dans ton état ? Tu vas te faire descendre.

A fleur de peau, une épaisse colère s’empara d’elle. Elle était excédée par toute cette histoire. Si elle le pouvait, elle le frapperait. Cet incapable lui proposait de récupérer son sac alors qu'il savait pertinemment bien qu'il n'était pas en état. Afin de ne pas dérapée, elle se contenta d’entrée dans le taxi en tirant une tronche de six pied de long. Elle indiqua alors au chauffeur l’adresse de son appartement situé dans le centre ville. Lorsque Tony prit place à côté d’elle, Laureen s’écarta sèchement, soulignant qu’elle ne souhaitait pas du tout qu’il la touche. Elle fouilla les poches de la veste du jeune homme pour en sortir une liasse de gros billets vert, un téléphone portable et un trousseau de clé. Elle envoya tout ça rudement valsé entre les cuisses de Tony.

Laureen boudait à nouveau. Elle regardait par la fenêtre, les bras croisés sur son ventre. Elle dit dans un murmure blamant alors que la voiture démarrait :

_ Appelles tes hommes où je ne sais qui et qu’ils me récupèrent mon sac au plus vite.

Elle lui lança un regard furibond et ajouta très bas :

_ Je te préviens, s’il arrive quoique ce soit à ma famille, à ma colocataire ou même à mon chat et mes poissons rouges, je te fais bouffer tes couilles à toi et à tout tes enculés de gros bras ! Me suis-je bien faite comprendre ?

Dans le rétroviseur, le chauffeur échangea un regard désolé avec Tony... les querelles d'amoureux...

Avec une élégance incroyable mais une humeur à couper au couteau, Laureen leva un doigt d’honneur au-dessus de sa tête en franchissant les portes de son immeuble. Ce type commençait sérieusement à lui taper sur les nerfs. Seigneur ! Comment pouvait-il être aussi beau, être aussi attirant, être par moment tellement charmant qu’elle se pâmait presque devant lui, et l’instant d’après, l’agacer au point de lui donner envie de l’étrangler ? Elle n’en revenait pas.

Rapidement, Laureen monta dans l’ascenseur, puis quelques secondes plus tard, elle arriva au cinquième étages. Après une rapide toilette pour effacer les traces de son sang avec sa salive, elle frappa à la porte de sa vieille voisine : madame Martha Nicholson. C’était une vieille femme de soixante deux ans, très gentille et amicale qui aimait beaucoup ses deux voisines. Du bruit derrière la porte se fit entendre et la vieille dame ouvrit, les cheveux cachés sous un bonnet de nuit rose. Durant quelques longues minutes, Laureen tenta de rassurer la vieille dame sur son état de santé, lui expliquant qu’elle avait eut un petit accident, et qu’elle avait perdue ses clés. Aussitôt, Martha lui tendit le trousseau qu’elle gardait pour les jeunes filles en cas d’urgence.

Cinq minutes plus tard, Laureen tournait chez elle, rassemblant rapidement quelques affaires dans une petite valise. Elle y rangeant tout ce qui lui passa sous la main, et tout ce qu’elle ne voulait laisser aux yeux des malfaiteurs. Elle effaça le répondeur et le répertoire téléphonique, embarqua le disque dur amovible et le portable de Luna, brûla dans l’évier quelques papiers et photos, ainsi que les factures et mit dans un sac les albums photos. Elle ne voulait rien laisser qui puisse mettre en danger Luna. L’appartement était sous le nom McGowan alors elle embarqua jusqu’à l’étiquette sur la porte même s’il serait facile de savoir qui habitait ici en s’adressant au propriétaire.

De longues minutes plus tard, Laureen était fin prête. Elle avait chaussée des baskets de ville et fait entrer dans sa cage Zoé, sa chatte. Elle avait même mit dans un tupperware ses deux poissons rouges. Il n’était pas question que les mafieux les lui bute ! Rapidement, elle descendit rejoindre Tony sur le porche de l’immeuble. Elle était chargée comme un mulet. Laureen lui lança un regard féroce en lui tendant sa valise.

_ Un commentaire ! Un seul Tony ! Et ta dynastie s'arrêtera là.

Chancelante sur tout ce qu’elle avait emportée, Laureen était à bout et il lui en faudrait bien peu pour exploser à nouveau. Elle déposa avec énervement devant le coffre ses affaires, gardant simplement son chat et le tupperware de poissons rouges avec elle. Comme une princesse capricieuse, elle entra dans le taxi et à nouveau, elle bouda.

_ J’te rappelle qu’on n’a pas toute la nuit !

Sur ces mots, le chauffeur alla aider Tony et rangea les sacs dans le coffre.