Un après midi peut-être pas comme les autres [Tony]

Comme à son habitude, Tony fut égale à lui-même et il ne se priva pas pour lui envoyer du sable. Laureen poussa une petite plainte désagréable entre ses bras mais rapidement, elle laissa tomber, profitant du calme qui régna durant toute l’absence de Tony. La jeune femme aimait réellement sa compagnie mais parfois, son humour était un tantinet gonflant… le pire, c’était qu’elle l’aimait son humour. Elle avait beau s’énerver, se foutre en rogne et gueuler plus fort qu’un chat qu’on égorge, Laureen appréciait malgré tout Tony dans ce genre de moment.

Lorsque le beau blond revenu, elle esquissa un sourire devant ses simagrées. Elle ricana faiblement, puis elle lui lâcha :

_ Heureusement que ce n’est pas toi le serveur alors. Avec mon pot du moment, saurait été un ami à mon père et ce dernier aurait rapporté que le caïd de sa fille a encore fait des siennes. Mais je suis assez satisfaite que tu te sois contrôlé ! Comme quoi, sous tes faux airs de rustre se cache un brave type. Bientôt, tu salueras ta voisine sans ajouter entre tes dents une insulte ! J’ai trop une bonne influence sur toi ! J’suis trop fière ! Presque émue !

Laureen lui lança un regard amusé puis elle se redressa alors sur les genoux. Elle lui prit la lotion solaire. Avec un petit air supérieur, elle entreprit de s’en répandre sur les épaules, les avant-bras, le haut des seins, un peu sur le visage et le ventre. La jeune femme prenait son temps, comme si elle parfumait son corps d’un lait hydratant. La douce odeur de la lotion enivrait l’air de toute part. Elle était assez froide mais ce n’était pas réellement désagréable pour Laureen. Elle la trouva même assez rafraîchissante.

Après s’être assise pour s’occuper de ses longues jambes très douce, Laureen pencha la tête sur le côté, regardant Tony en souriant en coin :

_ J’ai fais le plus gros du travail, tu pourra quand même bien m’en étaler sur le dos, non ? Oh… ne va surtout pas t’imaginer que je quémande un peu d’attention de ta part ou même un petit instant plus charnel… non, non, ne va surtout pas croire que j’ai envie que tu me touche avec tes mains… non non, ce n’est vraiment pas mon genre. C’est juste que je n’arrive pas à atteindre mon dos et que tu es le seul ici à pouvoir m’aider. A moins que tu n’ailles siffler un employé du club !

Elle accompagna ses paroles de geste assez amusant. Elle tentait de toucher son dos de ses mains sans réellement faire d’effort. Elle cligna plusieurs fois des yeux, comme une biche :

_ Allez quoi, ce n’est pas la mort… C’est qu’un dos ! Ce n’est pas comme si je t’avais demandé de m’en foutre sur les fesses ! Allez Tony, surpasse ton dégoût !

Et elle se courba un peu en avant, dégageant son dos de ses cheveux qu’elle rassembla sur le côté gauche de son visage. Laureen se tenait les genoux de ses bras enroulés autour et elle attendait simplement les yeux posés sur le sable qu’il s’exécute afin de pouvoir enfin bronzer quelques heures.

Alors que les mains puissantes de Tony voyageaient dans son dos, Laureen ferma les yeux, un sourire béa sur les lèvres. Peu importe ce qu’il pouvait dire ou s’il se débrouillait comme un manche, Laureen savourait cet instant comme si demain n’existerait pas. Enfin, les mains la touchaient. Enfin, elles étaient sur son corps, contre sa peau. Fini les frôlements frustrant, Laureen prenait réellement plaisir à savoir que Tony touchait sa peau.

Lorsqu’il revint s’asseoir sur la serviette, elle se décala et lui fit une petite place. Laureen s’allongea sur le dos, regardant le ciel sans nuage et écoutant le ressac des vagues. La jeune femme laissa échapper un profond soupir, signe qu’elle se sentait bien ainsi, avec Tony à ses côtés. Elle lui dit :

_ Oui, c’est ce genre de moment en effet. On profite du soleil et du calme de la mer pour se reposer, méditer ou réfléchir… c’est au choix. Toi, tu devrais méditer sur « oh putain, que j’aime trop ça être gentil et doux comme un agneau avec Laureen ».

Laureen tourna la tête vers Tony. Elle mit sa main au-dessus des yeux pour se protéger du soleil, puis voyant qu’il s’était mit en position bronzage sur le dos, elle se redressa lentement, à genoux. La jeune femme prit la lotion solaire et sans crier garde, elle en étala sur le torse du beau blond, le zébrant d’un Z comme Zorro. Elle lui dit alors que d’une main elle étalait la crème :

_ Si je mets de la lotion, c’est pour éviter les coups de soleils, c’est tout. Et tu n’y échapperas pas. Je n’ai pas envie de t’entendre te plaindre ce soir que tu as mal aux tétons parce que tu t’es choppé un coup de soleil bêtement en faisant ton : moi j’suis un mec, un vrai !

Doucement, la main de la jeune femme serpentait sur le torse musclé de Tony. Elle y prit bien entendu beaucoup de plaisir mais tâcha de faire vite. Elle lui huilait le corps, puis rapidement, en rigolant, elle essuya le surplus de lotion sur le visage de Tony. Elle lui pinça la joue et dit :

_ C’est bien, c’est très bien mon Tony. Tu vois mon chéri, je prends soin de toi ! Un juste retour des choses… à moindre échelle. Toi tu me protéger des russes, et moi d’un vilain cancer de la peau…

Avec une petite langue espiègle, elle ajouta rapidement : Et un jour je m’attaquerais à ton futur cancer des poumons.

Laureen retomba allongée sur la serviette mais aussitôt, elle se tourna sur un flanc, la tête reposée sur son poing fermé. Elle regardait le mafioso à côté d’elle tout en réfléchissant. Elle demanda alors comme si le sujet était des plus sérieux :

_ On va dans quel genre de boîte de nuit ? Qu’est-ce que je dois mettre ? Branché, sexy et décontracté ou strict, un tantinet aguicheur et coûtant la peau des fesses ? Je ne voudrais pas être à côté de la plaque.

Allongée sur le dos, Laureen lui laissa un vide cosmique incroyable. Elle tentait d’outrepasser ses remarques, de le zapper, d’oublier même jusqu’à sa présence sur cette plage. Même si de temps en temps, il lui balançait du sable qui recouvrait son ventre et ses cuisses, la jeune femme ne broncha pas d’un pouce, canalisant du mieux qu’elle le pouvait son exaspération. Cependant, s’il y avait une chose que Laureen ne savait faire, c’était bien de rester longtemps insensible face aux gens qu’elle appréciait.

La jeune femme luttait avec elle-même. Elle se jurait de ne pas s’emporter, de ne pas la jouer fille autoritaire, de ne pas lui encastrer la tête dans le sable ! Non, ça ferait bien trop lui faire plaisir ça. Alors qu’un peu de sable vint à nouveau l’éclabousser, Laureen ouvrit les yeux, soupira et très lentement, comme si elle craignait à tout instant de tombée, elle se releva. Elle lui lança un regard blasé en le regardant creuser son trou, puis après une profonde inspiration qui bomba sa poitrine, elle s’éloigna sans un mot de plus.

N’importe quel autre mec aurait été heureux de s’allonger simplement en sa compagnie et de profiter de l’instant présent. Mais non, il fallait qu’elle soit tombée sur un énergumène énervant et agaçant qui ne savait pas rester en place deux secondes. Il fallait se rendre à l’évidence, avec Tony dans les jambes, sa partie de bronzage ne se ferait pas. D’un pas très lent, comme résignée, elle s’éloigna, rejoignant les escaliers qu’elle descendit pour traverser dans un calme olympien qui ne présageait rien de bon, la piscine.

Après quelques minutes, elle se trouvait à l’accueil en face de deux jeunes hommes et d’une jeune femme, employés du club. Laureen s’appuya contre le comptoir, patientant lorsqu’ils s’éloignèrent en quatrième vitesse. Profitant de l’éloignement de Tony, les amis de Douglas vinrent accosté quelques minutes la jolie brune, parlant de tout et de rien, allant même jusqu’à feindre la non présence du mafioso en ces lieux. Laureen les envoya rapidement bouler, puis lorsque les employés revinrent avec ce qu’elle leur avait demandé, elle sourit, ravie.

Ce fut les bras chargés d’un ballon de football, d'un frisbee, de raquettes de plages, d’un masque et d’un tuba, d’un seau et d’une pelle, ainsi que d’un ballotin de fruits et d’un paquet de cigarette que Laureen revint sur la plage. Elle s’agenouilla sur la serviette et déposa le tout devant elle. Tony était toujours occupé à creuser son trou. Avait-il décidé d’aller faire un tour en chine ? Elle lui balança le ballon qui roula près de lui, puis également le paquet de cigarettes et le seau avec la pelle. Elle dit :

_ Puisque tu ne veux pas faire d’effort et que rester allonger à côté de moi à simplement profiter de l’instant présent te file la nausée, je me suis dis que comme les gosses, il fallait t’occuper. Alors voilà, te voilà paré pour passer une bonne après midi à la plage.

Elle se leva, le ballotin de fruit entre les mains. Tout en le déballant, elle lui lança un regard féroce :

_ Je fais une croix sur mon bronzage. Je viendrais le parfaire sans toi une autre fois. Tu veux faire quoi ? Jouer au ballon ? Aux raquettes ? Faire un château de sable ? Ramasser des coquillages ? Allez faire un tour en chine ? M’emmerder ?

Laureen croqua dans un morceau d’ananas, puis elle s’approcha de Tony, s’asseyant le cul dans le sable et les jambes dans son tour. Elle mordit encore un bout dans le fruit, puis fit manger le reste au beau blond. Elle ajouta en lui caressant d’un pouce les lèvres :

_ C’est dingue ça. Y a une flopée de mec qui tuerait pour être à ta place et toi, tu préfère creuser ! T’es bien un mec ! Totalement débile quand il s’y met ! Tu sais, si tu n'avais pas envie de venir à la plage, on aurait très bien pu rester chez moi. T'aurais emmerder Zoé comme d'habitude, mais au moins tu m'aurais laissée tranquille.

Elle roula les yeux et s’empara d’un morceau de melon juteux qu'elle croqua, savourant le merveilleux goût en poussant un léger : hum.

Laureen riait en le regardant faire. Qu’il avait l’air idiot avec son seau retourné sur la tête comme un casque. Elle ne pouvait contrôler son amusement face à cette image. Bien qu’elle ne trouvait pas que creuser un trou soit une activité des plus passionnante, regarder Tony s’y atteler l’était. Il avait une manière de creuser si enfantine que s’en était marrant. De temps en temps, Laureen tentait de ses pieds de saboter son travail mais Tony semblait faire fit de ses panards. Il continuait inlassablement de creuser, agrandissant de plus en plus le trou. Elle s’exclama alors, après une nouvelle bouchée de fruit :

_ Si m’emmerder est le signe de ton intérêt pour moi, ça change tout j’imagine ! Je suis sensée te laisser faire donc ? Et subir inlassablement cela, juste parce que tu es trop niais pour trouver une autre façon de me montrer que tu…

Elle le regarda droit dans les yeux avec insistance et elle lâcha d’un air coquin :

_ Que tu m’aimes ?

En tendant le bras derrière elle, Laureen déposa le ballotin de fruits sur le coin de la serviette de plage non loin de là. Elle se leva au milieu du trou et croisa les bras, un air intransigeant sur le visage. Elle aurait dû s’en douter qu’il ne se contenterait pas d’un simple trou. Non, il fallait en plus une victime à enterrer. Elle lui fit une pitchnette sur le front et le menaça d’un doigt :

_ Je n'entrerais même pas en rêve dans ton trou, Tony. C’est un coup à rester enterrée toute l’après midi. Et avec mon bol, t’es capable de m’oublier. La marée va monter et j’vais me noyer. Non, non je m’y refuse catégoriquement. Trouves-toi un autre pigeon !

Elle écarta les bras et montra le trou. Elle ajouta, un large sourire sur les lèvres.

_ Par contre, toi, tu peux prendre place. Je me ferais un plaisir de t’y enterrer des pieds à la tête et de t'obliger à me faire pleiiiins de bisous si tu veux sortir.

Laureen rit. Elle s’approcha de Tony avec un air bagarreur, enroula ses bras autour de son cou et de tout son poids, elle poussa le jeune homme en arrière afin de l’étaler dos au sable. Affalée sur lui, Laureen le mordit gentiment dans le cou, puis elle se redressa un peu sur les genoux et s’agrippa à la cuisse de Tony pour tenter de le tirer de toute ses faibles forces vers elle et le faire tomber dans le trou.

_ Allez, c’est de la coopération Tony ! Toi tu creuses, et moi j’le rebouche ! Laisses-toi faire… t’aura pas mal…

Malgré qu’elle tenta quelques secondes que le garder prisonnier du trou pour l’ensevelir, Tony s’échappa pour aller serpenter jusqu’à la mer. Il était vraiment niaiseux avec son seau sur la tête et sa clope au bec. Laureen resta un instant presque attendri devant cette facette de sa personnalité. Comme quoi, on pouvait être un caïd de la pègre et être un gamin dans le fond. Avec un soupir, elle laissa tombée la pelle dont elle s’était emparée, puis elle sortit du trou en une petite enjambée.

_ Ouais, t’en fais un beau d’évadé ! Tu devrais accepter ton sort beau blond. Ce ne sera qu’un mauvais moment à passer. Comme tu l’as dis toi-même… être enterré par Laureen et mourir, faut y passer dans la vie. Pour une fois que je tente d’avoir le dessus sur toi, tu ne vas pas me gâcher mon plaisir, hein ? Reviens dans ce trou immédiatement ! Me dis pas que t’as peur de moi... femmelette.

Puis, Tony lui demanda d’apporter le ballon. Laureen vit immédiatement rouge. Elle s’écria :

_ Et je ne suis pas ta boniche ! Enfin, pas encore officiellement !

Elle se saisit du ballon, le déposa devant elle et shoota dedans. Alors qu’elle visait l’océan, le ballon fonça comme une flèche percuter l’arrière du crâne de Tony, faisant valser le seau qui tomba sous le nez du mafioso. Heureusement, la balle n’était pas faire de cuir mais de plastique souple. Cependant, le bruit provoqué par le choc était assez impressionnant. Laureen porta les mains à la bouche, choquée par ce qui venait de se passer. Elle accouru aussitôt vers Tony, terriblement désolé :

_ Oh, mon Dieu ! Tony ! Je suis désolée… pardon. Je ne te visais pas… je visais la flotte ! C’est le ballon… il a… dévié ! Pardon pardon pardon !

Elle s’agenouilla devant lui, lui relevant le visage entre les deux mains. Avec une petite moue elle lui proposa pour se faire pardonner :

_ Tu veux enterré mes jambes… jusqu’aux genoux ?

Lorsqu’elle se fit attrapée par Tony, la jeune femme tenta de se débattre, consciente qu’il allait la jeter à la flotte. Elle eut à peine le temps de boucher son nez que cette adorable brute la balançait à travers les flots. Elle tenta de se relever par deux fois afin de lui courir après mais à chaque fois qu’elle essayait de se remettre sur les jambes, une satanée vague les lui raflait et la faisait chutée sur son derrière.

Riant aux éclats devant les pitreries de Tony, Laureen lui renvoya la balle, tentant de la lancer devant le nez du mafioso afin que le choc avec la surface de la mer lui éclabousse le visage. Elle s’écria alors qu’elle nageait un peu plus loin en tendant les bras en l’air pour récupérer la balle :

_ Maintenant que je sais cela, je vais l’éviter ton trou Tony ! Comme la peste ! Faudra vraiment m’y forcer pour me mettre dedans ! Je vais faire océan transat au bord de la piscine je crois ! Et attention, j’ai des ongles et je sais m’en servir ! En plus, je suis capable de mordre comme une chienne enragée !

Elle agita les bras comme une karatéka, puis elle prit une profonde inspiration pour disparaître sous les flots. A l’aide de ses jambes et en entrouvrant un peu les yeux mais pas trop car le sel de mer c’est pas la joie, elle nagea vers la silhouette floue devant elle. Après quelques instants, elle surgit face à lui, secouant sa longue crinière qui éclaboussa et flagella le visage du beau blond. Elle lui fit un large sourire et dit :

_ Pourquoi tu veux aller les enquiquiner les potes à Dougy ? Je ne te suffis pas ? Je ne suis pas très prêteuse, tu sais. Même si tu as le don de m’emmerder royalement, ça risque de me rendre fort jalouse si tu venais à porter… comment disais-tu déjà ? De l’intérêt pour une autre personne que moi.

Elle déposa les mains sur le ballon que Tony avait dans les sienne, puis elle sourit et ajouta :

_ De plus, étant donné que j’aimerais revenir un autre jour pour parfaire mon bronzage, ce serait bien d’éviter de foutre le souk au club. Mon père risque de très mal le prendre.

D’un geste brusque, Laureen lança le ballon plus loin vers le large. Elle tapota ensuite la joue de Tony.

_ Allez mon beau, y a d’autre moyen de se défouler, tu sais ! Va me chercher la baballe ! Allez Toto !

Et elle rit.

Laureen avait fermée les yeux et tendu ses lèvres lors du rapprochement du visage de Tony. Son cœur s’était accéléré d’un seul coup et son échine fut parcourue d’un doux frisson. Oui, elle avait vraiment pensée qu’enfin il allait l’embrasser, qu’enfin elle allait se rapprocher de lui comme elle le désirait. Elle s’était laissée emporter par ses mots en sicilien, croyant qu’il s’agissait de mots doux. Laureen était enfin prête et très heureuse de passer le cap, mais ce n’était sans compter le côté espiègle et quelque peu brut de Tony. Au lieu de l’embrasser comme elle l’avait tant désir, l’homme la coula et Laureen tomba de haut, déçue.

Lorsqu’elle sortit la tête de l’eau, elle se frotta les yeux, tâchant de ravaler sa fierté quelque peu malmenée là. Elle était très déçue de ce coup là et même un tantinet vexée. Tony jouait avec ses pieds et elle n’aimait pas du tout cela. Il savait ses sentiments à son égard et son envie de rapprochement et lui, il osait lui faire un coup pareil ? Comment osait-il ? Si elle n’avait pas un peu d’amour propre à cet instant, elle aurait été lui en coller une… voir deux.

D’un ton un peu sec et la mine boudeuse, Laureen lâcha :

_ A ce rythme là, tu vas le tuer le Dougy. C’est fragiles ces petites bêtes là… Après t’es du style assez cruel, donc, c’est peut-être ce que tu recherches, non ? Dougy 1, Dougy 2, Dougy 3… tu comptes monter jusque Dougy combien ?

Elle ne daigna pas lui accorder un regard et fit volte face, sortant de l’eau en tordant ses cheveux et en les rassemblant du côté droit de son épaule. Son mauvais caractère de jeune fille un tantinet capricieuse avait prit le pas sur la Laureen plutôt sympa qui aimait bien déconner. Le fait que Tony ait osé s’amuser à faire semblant de l’embrasser l’avait un peu refroidie. Elle en rageait presque.

_ Continues tout seul à faire ton andouille, moi je vais me sécher. Et puis va parler avec les potes à Douglas, ça me fera des vacances !

Elle shoota dans le ballon et l’envoyé à nouveau en plein dans l’eau puis, alors qu’elle revenait vers la serviette de plage, ses yeux se posèrent sur le paquet de cigarette du mafioso. Elle le prit, le lui montra au loin, puis elle le jeta dans le trou. Avec un sourire sombre sur le visage, elle entreprit de reboucher le trou, enterrant le pauvre paquet tant aimé du beau blond. Elle s’écria :

_ La prochaine fois l’caïd, c’est ta tête la première que j’enterre !

Et elle continua à reboucher à l’aide de ses deux bras en bulldozer le trou.

Toujours vexée, Laureen feignait de ne ni voir, ni même entendre Tony. Elle se leva, alla rincée consciencieusement son corps du sable à l’aide des légères vagues s’échouant sur la plage, puis toujours plongée dans son profond mutisme, elle reprit place à côté de Tony. Avec une indifférence totalement sur jouée, elle entreprit ensuite de répandre sur ses épaules et ses bras de la crème solaire.

Laureen était bien décidé à l’ignorer totalement, quoiqu’il dise où quoiqu’il face. Cette fois-ci elle n’en démordrait pas. Qu’il la taquine et l’ennuie, ça passait… certes parfois difficilement, mais ça passait car ça faisait partie du personnage. Mais qu’il joue avec ses pieds en utilisant ses sentiments et son désir pour elle de la sorte, là, elle ne pouvait pas l’admettre. La jeune femme était toujours sur le coup de la déception et celle-ci assombrissait cette pourtant belle après-midi.

Elle prit son petit ballotin de fruit et le plaça entre elle et Tony. Il restait quelques fruits encore à l’intérieur. Tout en s’allongeant sur un flanc et tournant le dos à Tony, elle lui dit :

_ Manges ça et si t’en a pas assez, ben va t’empiffrer au bar. Y a de quoi remplir ta grande gueule d’emmerdeur et avec un peu de chance, tu t’étranglera avec un os de poulet. Et avec encore plus de chance, les copains de Dougy te foutrons une branlée à nouveau. Ça t’apprendra.

Elle replia son bras sous la tête et s’en servit de coussin. La jeune femme fixait le lointain de la plage, se mordillant les lèvres qui avaient le goût de sel pour ne pas exploser une nouvelle fois en reproche. Il serait bien trop content. Non, elle allait l’ignorer quoiqu’il puisse faire. Il y avait du soleil, il faisait bon et chaud. Elle n’avait qu’a bronzée et attendre qu’il se lasse et décampe.

D’une voix distante, elle demanda :

_ Qu’est-ce que tu as dis tout à l’heure ? En sicilien… ça voulait dire quoi ? Tes connes ? Tu pues ?T’as un gros cul, Laureen ?

Allongée toujours sur un flanc, Laureen tentait de zapper la présence de Tony mais c’était assez difficile. Même si elle était en colère contre lui, elle en était toujours autant entichée et chacun de ses faits et gestes attiraient forcément un peu son attention. Cependant, lorsqu’il revint, elle se força à ne pas bouger et à ne pas se retourner pour regarder ce qu’il avait rapporté. Ce n’est qu’après lui avoir confier son raisonnement sur le fait qu’elle ne comprenait pas l’italien qu’elle se retourna, s’allongeant sur le dos, les doigts entrelacés sur son ventre plat.

C’était une certitude. Tony était bien décidé à ne jamais lui lâcher la grappe. Il était bien décidé à l’enquiquiner jusqu’au bout et à lui faire presque regretter de l’avoir protéger de l’inhalation de spores de clochettes du diable. Laureen prit une profonde inspiration par le nez qu’elle relâcha par la bouche, signifiant ainsi qu’elle tentait de ne pas exploser. D’un ton très calme et les yeux fixant le ciel, elle répondit alors :

_ Il y a beaucoup de chose que je ne connais pas sur terre, et l’italien en fait partie. Donc oui, tu pourras m’insulter et te payer dix fois mieux ma tête dans ta langue natale. Cependant, je doute sincèrement de m’en offusquer car après tout, on ne souffre pas de ce qu’on ne connaît pas. A choisir, je préfère donc que tu m’insultes en italien… De toute façon, vu le peu de considération tu as pour moi, c’était sans doute la prochaine étape.

Laureen pianota de ses doigts sur la chaire nue de son ventre et elle tourna la tête vers Tony, croisant son regard quelques secondes. Elle le fuit aussitôt pour se redresser assise et fouiller à l’intérieur du panier. Il y avait de quoi nourrir un régiment là-dedans. Laureen sortit une petite bouteille d’eau et l’ouvrit pour en boire une gorgée, enlevant ainsi le goût du sel de mer qu’elle avait dans la salive. Elle dit alors :

_ Vu comment tu te défoule sur moi cet après midi, je doute d’être vraiment chaude ce soir pour sortir en boite. Je préfère passée la soirée chez moi devant un film et un paquet de chips. Si c’est pour passer pour une idiote aux yeux de tous, ce n’est même pas la peine tu vois. Car, j’imagine que tu ne vas pas te calmer et continuer sur ta lancée hein ? Après, je ne suis plus à une humiliation publique mais bon, j’pense avoir assez donnée pour aujourd’hui.

Elle déposa la bouteille à nouveau dans le panier et replia les jambes en position tailleurs. Elle fixa l’océan l’air pensif un instant et enfin elle reprit la parole avec le désir de dire à voix haute ce qui lui pesait un peu sur le cœur :

_ Tu sais, ce n’est pas interdit d’être parfois… je demande pas toujours, hein, j’ai dis parfois, d’être gentil avec moi et de montrer autrement ton attachement à ma petite personne. Je suis sensée être la fille avec qui tu sors, et pas ton pote. Apparemment tu préfère la castagne à tout autre chose… tu devrais penser à sortir avec une motarde lesbienne. Ça te conviendrait mieux.

Et elle s’allongea à nouveau avec un faux air d’indifférence sur le visage et elle se tourna sur un flanc, montrant son dos boudeur à Tony.

_ Maintenant si tu veux bien, toutes les choses désagréables que tu as à me dire, tu te les crache en italien, merci.

C'était principalement sa déception qui parlait. S'il ne lui avait pas fait miroité un baiser, elle aurait sans doute continuer à supporter avec un certain humour ses conneries, mais là, Laureen en avait un tantinet marre pour passer au-delà. Elle était déçue et lorsqu'elle était déçue, elle se refermait.

(On est de retouuuur )

Laureen n’aurait su dire combien elle était touchée par cet élan soudain de sincérité de sa part. Il avait dépassé les bornes et il le reconnaissait. Elle commençait de mieux en mieux à cerner le personnage pour savoir que des excuses, il n’en faisait que rarement… voir presque jamais. La jeune femme ne pouvait lui en vouloir plus longtemps, et même avec toute la volonté du monde. Elle lui trouvait un air attendrissant et idiot à la fois. C’était énervant de se faire avoir de la sorte, mais elle n’avait aucune envie d’être fâcher avec lui. Elle éprouvait trop de chose pour ça. Ce serait se punir plus elle-même que lui.

Très doucement, Laureen se redressa sur un coude, puis sur les mains et finalement elle s’agenouilla sur la serviette, face à Tony. Elle n’avait qu’une envie à cet instant, lui sauter au cou et l’embrasser. Mais elle ne le fit pas. D’abord parce qu’elle craignait une nouvelle boutade de sa part, et ensuite parce que le moment n’était certainement pas le plus opportun. La jolie fleuriste se contenta alors de s’approcher de lui à quatre pattes, dandinant son postérieur comme une féline. Son visage devant le sien, elle dit avec un léger sourire sur les lèvres :

_ Ce n’est que pour le milk-shake que je te pardonne, j’espère que tu t’en rend bien compte.

Elle ne pu contrôler son élan d’envie et soudain, très tendrement elle enroula les bras autour de son cou pour l’enlacer. Avec lui, elle bascula en arrière, le dos de Tony tombant dans le sable. Laureen reposait sur le torse musclé du mafioso. Elle murmura alors que ses cuisses glissèrent de par et d’autres de ses hanches.

_ Tu sais, je ne te demande pas d’être constant dans ta gentillesse, mais parfois une de temps en temps, ça me ferait plaisir.

Les cheveux bruns de la belle ondulaient de part et d’autre de son visage. Laureen n’avait aucune envie de bouger mais elle le devait si non elle allait déraper. Elle descendit alors du corps de Tony pour s’allonger à côté de lui, sa tête reposée contre son épaule et ses doigts jouant avec les quelques poils qu’il avait sur le torse.

_ Au fait… puisque nous sortons tous les deux ce soir, dois-je prendre mon pyjama pour dormir chez toi ?

Bien sûr que ce n’était qu’une question de praticité, mais Laureen ne pouvait cacher l’envie de dormir en compagnie de Tony. Elle voulait s’endormir contre lui et se réveiller contre lui. Bon, ce genre de vœux comportait énormément de risque avec Tony Lorenzetti car pas certain qu’il l’éveille en douceur. Il était plutôt du style à la réveiller en fanfare dans ses souvenirs. Mais elle prenait le risque. L’idée d’être dans ses bras comme elle l’était à cet instant était trop tentante qu’elle acceptait de se brûler les ailes au soleil pour une chute vertigineuse dans un océan de désillusion.

Blottie confortablement contre lui, Laureen n’avait aucune envie de bouger, surtout depuis qu’il avait replié son bras pour lui faire un coussin avec celui-ci, et qu’il tortillait ses cheveux. Eh bien voilà, ce n’était pas si compliqué que ça d’être un tantinet doux avec elle. La jeune femme embrassa la chaire de Tony sporadiquement, poussée par des élans d’affection à son égard. Elle continuait de le caresser, savourant l’instant présent en gloussant parfois de ses idioties. Elle lui répondit :

- On pourrait aussi dormir chez moi, mais je pense que Zoé se ferait sans doute un grand plaisir de t’étouffer pendant ton sommeil. Et comme je n’ai pas envie d’avoir de problème avec ton clan, autant ne pas tenter le diable. Je préfère affronter ta famille.

Laureen se redressa assise, le buste pivoté vers Tony et une main enfuie dans le sable pour faire appuis. Elle le regarda profondément de ses yeux noisette. Ok, toutes les belles-familles du monde étaient bizarre et c’était sans doute une épreuve de les affronter pour la première fois, mais c’était mal connaître Laureen s’il croyait la dissuader de rester pour la nuit en lui disant cela. Elle voulait sa nuit passé dans les bras du mafioso et pour cela, elle serait prête à affronter une armée de monsieur Lorenzetti Senior.

- Qu’est-ce qu’ils ont de si particulier tes parents pour que tu craigne de me les présenter ? Ok j’ai bien compris qu’ils étaient spéciaux mais quand même. Ce ne sont pas non plus des monstres. Je ne suis pas assez bien pour toi ? Tu sais, j’ai toujours fais très bonne impression aux parents des garçons avec qui je suis sortie. Ok, il n’y en a pas eu énormément, mais le peu que j’ai croisé, ils m’ont tout de suite adorée. De toute façon, je suis une fille qu’on aime d’ambler. On ne peut pas ne pas m’aimer. C’est impossible.

Elle plaqua son autre main sur le torse du beau blond.

- Toi d’ailleurs, la première fois que tu m’as vu avec mes fleurs, c’était le coup de foudre directe. Tu t’es dis, je la veux cette sublime créature, et je l’aurais. Je veux connaître son secret. Comment fait-elle pour être si belle, si désirable, si intelligente ? Elle me fait oublier toutes les autres. Elle est parfaite à mes yeux. Pourquoi ce ne serait pas le cas pour tes parents également ?

Elle fit un large sourire angélique.

- N'est-ce pas ?