Cooler Than Me. (EDEN)

Ce qu’il y avait de bien quand on avait un emploi de nuit c’était de pouvoir se lever sans cadran. Sans bruit assez énervant pour vous tirer de votre sommeil. Every avait la chance de dormir jusqu’à la fin de l’après-midi si c’était ce qu’elle désirait. Elle pouvait faire la grasse matinée à tous les matins. Ce qu’il y avait de plus dérangeant pour elle c’était les rayons du soleil qui venaient plomber sur son visage. Bien sûr, lorsqu’elle allait se mettre au lit, le soleil avait déjà pointé le bout de son nez, mais c’était un mode de vie qui inspirait la liberté. Le pouvoir de faire tout ce dont elle avait envie; de fêter jusqu’aux petites heures, marcher sur la plage, ses talons haut de quinze centimètres dans les mains alors que pour la première fois de la nuit ses pieds pouvaient respirer, le sable contre sa peau nue massait les zones endolories par les chaussures. Aujourd’hui, Every s’était réveillée à midi. Les cheveux en broussaille à croire que la partie droite et la partie gauche de sa chevelure avaient fait une guerre pendant qu’elle dormait. Étendue sur son lit, elle se repassait les moments de sa soirée. L’alcool, la danse, la musique. Elle soupira longuement en massant du bout de ses index et de ses annulaires ses tempes en espérant soulager son mal de crâne. Les maux de tête – le seul point négatif de ce mode de vie se disait-elle. Elle se leva péniblement de son lit, peu motivée à quitter sa chaleur et ce confort et marcha nue jusqu’à sa salle de bain où elle trouva sans peine sa réserve d’aspirines. Elle fixa son propre reflet dans la glace et constatait le rouge à lèvre qui traçait la ligne de sa mâchoire jusqu’à son cou. Du rouge à lèvre ? Elle rit devant son incapacité à se rappeler qui avait pu l’embrasser et à quel endroit elles étaient lorsque ça c’était produit.

Après une longue douche, elle retourna à sa chambre et ouvrit la porte de sa penderie. Il y avait deux côtés bien distincts à sa penderie. Deux côtés qui ne se rencontraient jamais. D’une part les vêtements du soir. Courts, moulants, sexy. De l’autre, les vêtements de jour, plus confortables. Elle enfila une paire de jeans qui épousait toutes les formes de sa silhouette allant de la rondeur de ses hanches à la minceur de ses chevilles. Elle opta ensuite pour un t-shirt à l’effigie de Pink Floyd qui avait été taillé au niveau de l’encolure ce qui faisait retomber doucement les manches sur les bras d’Every plutôt que de couvrir ses épaules et son décolleté. Une légère couche de maquillage rehaussait les jolis traits de son visage et ses cheveux lissés lui offraient un look très décontracté. Plan pour la journée : une visite au centre commercial.

Elle avait entendu parler de cette boutique de musique qui se trouvait à être une véritable mine d’or en matière de rock. Ils possédaient une quantité impressionnante de vinyle de tous les groupes populaires de l’époque et Every n’y avait encore jamais mis les pieds. Dans la boutique, elle fut émerveillée. Partout où elle posait ses yeux, elle trouvait quelque chose qui l’intéressait. La belle hawaïenne tomba sur un disque des Beatles et alla l’installer sur un des tourne-disques munis d’écouteurs. Elle enfila le casque écouteur et se déhancha subtilement au rythme de Twist and Shout. Elle jeta un coup d’œil rapide autour d’elle et constata qu’elle semblait être seule; ni client ni vendeurs – qui devaient être dans l’arrière boutique. Elle ferma les yeux, et monta le volume. Maintenant, elle se déhanchait comme si personne ne regardait et elle chantait comme si personne ne pouvait entendre, complètement inconsciente de la présence d’une autre personne dans la boutique.